Le Monde : Rubrique Opinion
ÉDITORIAL PARU DANS LE MONDE LE 27 AVRIL 2012
En réaction et réponse à l’éditorial du Monde plus que surprenant…
ARTICLE PARU DANS LE MONDE – 3 mai 2012
L’opinion de notre association exprimée ici est suscitée par votre éditorial « Que poussent les gratte-ciel à Paris ! ». Si ce n’était un éditorial, nous aurions attendu que les élections passent. Mais l’importance donnée à ce sujet en première page du Monde nous incite à faire part de notre expérience de plusieurs années sur le secteur à l’Est de la capitale où deux des tours projetées sont prévues.
Nous avons fondé notre association APLD 91 fin 1991, au tout début du lancement du projet Paris Rive Gauche. Parcelle de 130 hectares de l’Est de Paris dans le secteur Masséna-Bruneseau où s’implanteraient les tours citées dans votre article.
La première et la plus grande Concertation dans son genre a été obtenue en 1997 pour accompagner cet aménagement au plus près par diverses associations, dont la nôtre, qui compte 8200 sympathisants.
Votre éditorial plébiscite l’arrivée des tours à Paris. Nous ne contestons pas vos arguments, mais voulons que soient connus les nôtres, puisque nous avons investi temps, énergie, bénévolat depuis des années pour qu’il y ait autre chose que ces immeubles de grande hauteur (IGH).
Dès 1998, APLD 91 demandait à ce que certaines activités industrielles gardent leur place sur les quais de Seine. Puis nous avons développé à partir de notre expérience de mélange des professions la proposition pour Masséna. De là et sur notre proposition est née l’étude complémentaire acceptée par la Concertation pour qu’il y ait l’installation d’ateliers de petites entreprises, de métiers d’art et d’artistes. (Entendu par les aménageurs sous le vocable de PME, ce qui est insuffisant). Nous les désignons comme des structures « modestes », si nécessaires dans la ville (encore plus maintenant avec les difficultés rencontrées par les grandes entreprises moins souples dans leur adaptabilité.)
Pourquoi là ? Pour utiliser de manière optimale le réseau routier, les rails et le fleuve existants sur Bruneseau Nord. Situation rare et qui permettrait avec quelques mises en connexion de créer un réseau d’entreprises ayant de ce fait des moyens de transport (et de déplacement rapides et économes. Les bases de cette logistique habituellement coûteuse à mettre en place, sont toutes données ici. Nombreux économistes de pays industrialisés disent que le plus important est de développer les petites entreprises.
C’est une chance qui risque d’être gâchée une fois de plus pour construire des surfaces de bureaux…
Ni parti politique, ni force syndicale, l’association APLD 91 est fidèle à ce principe de la création de lieux modestes qui sont inscrits dans le PLU au titre de la mixité urbaine. Et répétons-le, n’existant toujours pas malgré cette règle sur la partie déjà construite sur PRG. Les 85 000 m² prévus à cet effet ne sont toujours pas clairement désignés. Il ne reste plus que 38 hectares à aménager et cette ultime chance de satisfaire les besoins en ateliers. Quelle est la plus grande entreprise française ? Le réseau des petites entreprises. Nous y associons depuis des années les TPI, métiers d’art et ateliers d’artistes ; tous ont les mêmes besoins en type d’ateliers et en transport.
On ne peut que répéter que les tours à cet endroit de Paris Rive gauche rendraient impossible la création de ce « village » d’ateliers. Paris en a besoin, l’économie générale en a besoin. Les bureaux luxueux ne rapporteront pas forcément plus. Que vient de dire Mario Draghi devant les Eurodéputés ? « Il nous faut maintenant revenir en arrière et construire un pacte de croissance. ». Construire des sièges sociaux, des bureaux pour de grandes entreprises du CAC 40, est-ce là la bonne réponse ? Ne faut-il pas plutôt construire des lieux de production, favoriser l’économie réelle ? Les sièges sociaux rapportent des taxes à la Ville, mais leurs activités pourraient être développées n’importe où, au lieu de prendre des terrains facilement adaptables aux professions mentionnées
Pour mémoire, ce groupement des professions existe sur le site appelé « les Frigos », proche de Masséna. Il nous faut ici évoquer le think tank « Ville hybride » fondé par Michael Silly , sociologue, qui rejoint cette même préoccupation pour la mixité ; il mentionne le futur contrat territorial (CDT) qui doit à terme : « établir une articulation faisant sens, entre politiques publiques descendantes, et initiatives ascendantes, issues des acteurs de terrain, en très forte résonance avec les habitants (acteurs incontournables de la transformation de ces territoires) ». CDT : « Ce terme un peu barbare comprend des organisations au sens large (associations, coopératives, TPE, PME, grands groupes) travaillant dans les domaines de l’art et de la culture (plasticiens, musiciens, peintres, sculpteurs, ébénistes…), de l’artisanat d’art (orfèvrerie, métaux précieux…) et des filières liées au théâtre, au spectacle vivant, à l’audiovisuel et au cinéma (auteurs, comédiens, producteurs, costumiers, décorateurs, techniciens…) ainsi qu’au numérique (web designers, éditeurs de logiciels… ».
Précisément tout ce qui existe déjà depuis trente ans dans les ex-Entrepôts Frigorifiques et qui nous a servi d’appui pour proposer le projet de village à Masséna. Ces convergences sont significatives. Hasard ou nécessité ? Nous optons pour le second terme.
Pour l’association APLD 91, Jean-Paul Réti
Cet article est également publié sur le site lemonde.fr :
http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/05/03/non-a-la-construction-des-deux-tours-a-paris-est_1694331_3232.html#xtor=AL-32280397